19 décembre 2022 Regard croisés : médiation et démarches participatives
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Véritables connecteurs entre habitants et concepteurs, Anaïs et Charly font lien au quotidien pour informer sur les projets urbains, coordonner les démarches de concertation, impulser des dynamiques de quartier… Dans les maisons du projet ou sur le terrain, à pied ou à vélo, leur intervention est multiple pour favoriser les échanges et rendre plus participative la fabrique de la ville. Ils nous racontent leur mission de médiateur.trice au coeur des quartiers en transformation et du quotidien de ceux qui les vivent.

 

Entretien avec Anaïs Landwerlin, chargée de médiation opérationnelle pour les quartiers de La Courrouze et de Baud-Chardonnet et Charly Gutierrez médiateur opérationnel pour Maurepas et Le Blosne

 

COMMENT PERCEVEZ-VOUS VOTRE MISSION AU SEIN DES PROJETS D’AMÉNAGEMENT ?

Anaïs : Mon rôle en tant que chargée de médiation est de recueillir la parole des habitants. Quand je parle d’habitants, je pense à ceux qui habitent, donc également aux associations, commerçants, entreprises, à tous les acteurs du quartier. Je vois un peu mon rôle comme un ascenseur. L’idée est de pouvoir faire remonter l’expérience d’usagers à une maîtrise d’oeuvre, aux collègues en maîtrise d’ouvrage, aux élus et, à l’inverse, faire redescendre une information objective aux habitants. De mon côté, je travaille sur les quartiers de La Courrouze et de Baud-Chardonnet à Rennes et Saint-Jacques de la Lande qui sont deux quartiers anciennement industriels. Ces projets ont déjà plusieurs années, presque 20 ans. Le temps passé sur ces opérations permet déjà de requestionner des aménagements d’espaces publics dans le cadre de démarches participatives.

 

Charly : Mon rôle consiste à massifier la place et l’avis des habitants dans les décisions qui sont prises pour aménager les quartiers dans lesquels je travaille, en l’occurrence Le Blosne et Maurepas à Rennes. Sur ces quartiers en renouvellement urbain, de nombreuses fonctions peuvent être réinterrogées en observant les habitudes des habitants, leurs envies et leurs points de vue. Sur le volet concertation, il s’agit de faire exister leur parole pour qu’elle soit considérée par les concepteurs et par ceux qui décident en dernier lieu, à savoir les élus.

 

Gagner du terrain #3 | Yohann Lepage
concertation au projet d'aire de jeux inclusive | Arnaud Loubry

 

QUELLE EST VOTRE APPROCHE ?

Anaïs : Nous partons de plans techniques et nous créons les conditions pour qu’ils prennent vie en proposant des espaces de rencontres et d’échanges qui peuvent ensuite être investis par des dynamiques associatives, artistiques et culturelles. En lien avec les services de la ville, on doit permettre que les choses se fassent pour rendre concret ce qui a été imaginé. Que ce soit sur des sujets de concertation, des démarches artistiques, de l’appropriation d’espaces publics, nous ne faisons pas à la place de mais avec. Notre rôle peut aussi être d’impulser des dynamiques qui n’existent pas encore sur ces territoires et d’inviter les habitants à les tester, s’en saisir ou les rejeter !

 

Charly : Oui et idéalement de les préserver lorsqu’elles existent déjà parce que l’aménagement urbain peut aussi impacter l’existant, de manière positive comme négative. Il y a aussi des sujets qui sont partagés par des acteurs qui ont tout intérêt à se mettre en lien, on favorise donc les mises en réseau. C’est de la facilitation. L’idée c’est bien de connecter les quartiers entre eux. C’est aussi vrai pour les quartiers en renouvellement urbain qui existent depuis 60 ans que pour un nouveau quartier. Nous avons pour mission de connecter les quartiers au reste de la ville.

 

Gagner du terrain #3 | Yohann Lepage
concertation au projet d'aire de jeux inclusive | Arnaud Loubry
 
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Anaïs : Pour arriver à cet objectif, nous sommes sur le terrain quasiment la moitié de notre temps. Que ce soit sur nos temps de permanences ou en rendez-vous avec des acteurs. Pendant la période covid, nous avons dû adapter nos outils et développer des méthodes d’aller-vers plus individuelles. Ce sont déjà des habitudes d’avant pandémie mais nous avons renforcé leur importance. Il y a des personnes qui ne viendront jamais à nous, on se doit d’aller au-devant pour montrer, expliquer les sujets sur lesquels nous intervenons.

 

Charly : En étant sur le terrain, les gens nous identifient tout de suite. Ils viennent nous parler de sujets qui n’ont parfois rien à voir avec l’endroit où nous sommes mais, finalement, ça nous permet d’avoir une vision globale des problématiques qui se jouent sur le quartier. À Maurepas, je travaille en étroite proximité avec la mairie de quartier. Ce qui permet d’avoir une équipe de terrain étendue composée des techniciens de la gestion urbaine de proximité, des chargés de mission politique de la ville et d’animation, etc. Toute cette matière collective est restituée aux équipes à travers les points de médiation, les revues de projets, les réunions hebdomadaires, les temps d’échanges avec les urbanistes. Puis on les traite forcément avec les élus. Beaucoup de choses sont souvent mises en débat, la solution n’est jamais toute trouvée.

 

COMMENT GÉREZ-VOUS LE QUOTIDIEN DES HABITANTS ET LES DIFFICULTÉS LIÉES À NOS INTERVENTIONS ?

Anaïs : Je pense que c’est toute l’importance de la gestion urbaine de proximité. Nous pouvons difficilement évoquer le projet urbain dans sa globalité, ses enjeux et ses objectifs, si les travaux, les interfaces avec les chantiers impactent trop le quotidien des habitants. Si ces problèmes à l’échelle micro ne sont pas résolus, alors on ne peut pas faire prendre du recul pour parler du projet d’ensemble. L’idée d’informer de manière la plus objective possible, dire de quoi nous sommes certains, ce qui ne l’est pas, permet aussi d’éviter les fausses informations. Je pense qu’il ne faut pas craindre d’informer même lorsque nous ne sommes pas sûrs d’un sujet, ça permet d’anticiper d’éventuels points de blocage.

 

Charly : Oui, on est là pour soigner les détails. Ce qui est sûr, c’est qu’il faut faire les choses avec honnêteté. Par exemple, lorsque je ne maîtrise pas un sujet et que je n’ai pas la réponse, je vais la chercher et je reviens vers la personne. Je pense que ça nous rapproche de ceux qui vivent dans le quartier et éprouvent les travaux au quotidien. Lorsque l’on dit que nous avons des incertitudes, nous concepteurs, spécialistes, techniciens, ça démystifie un peu notre positionnement.

 

Anaïs : Et c’est aussi notre rôle en tant qu’aménageur. On adapte nos projets urbains en fonction de ceux qui y vivent. Ne pas être figé sur un aménagement, c’est aussi prendre en considération que nos opérations sont en mouvement, que des choses peuvent changer. Le retour des usagers est donc très précieux. Les opérations d’aménagement peuvent durer 30 ans, heureusement que nous avons des incertitudes.

 

Courrouze ©Sébastien Chala
Vélo de médiation urbaine | Arnaud Loubry

 

 

 

 

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GAGNER DU TERRAIN #3 À LA COURROUZE

 

Gagner du terrain #3 | Yohann Lepage

 

Méthode ludique, artistique et participative, la démarche « Gagner du Terrain » permet depuis 2018 aux habitants et usagers du quartier de La Courrouze de contribuer aux choix d’aménagement et de s’approprier les espaces publics du quartier. Menée par la coopérative d’urbanisme culturel Cuesta, la troisième édition s’est concentrée en 2021 sur les usages du jardin de la Pilate à St-Jacques de la Lande.


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 + d'infos sur Cuesta 

 

UNE AIRE DE JEUX INCLUSIVE À MAUREPAS

 

concertation au projet d'aire de jeux inclusive | Arnaud Loubry

Menée au printemps 2021, la démarche de concertation interrogeait en particulier les enfants et associations du quartier pour définir leurs envies quant au réaménagement de deux aires de jeux sur le quartier. L’objectif initial reposait sur la création d’espaces ludiques accessibles aux enfants en situation de handicap et à leurs accompagnants. La concertation a été réalisée en deux temps :


1/ expression des envies via un questionnaire en ligne et des temps de permanences sur site

2/ Choix du projet définitif sur 2 scénarios.

 

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Crédits photographiques : © Arnaud Loubry, Yohann Lepage, Sébastien Chala