12 mai 2020 Montgermont, Les Petits Prés : aménager pour renaturer
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À Montgermont, le quartier des Petits Prés achève son aménagement entre centre-bourg et campagne. Ce quartier de 335 logements créé sur d’anciennes parcelles agricoles est bordé côté sud par une zone humide. Ce site a fait l’objet d’un long travail de « renaturation » avec l’appui du bureau d’études IAO SENN et de la LPO Bretagne.

Le temps long de l’aménagement apparaît alors très favorable aux processus de renaturation. Dix ans après l’engagement de ce projet, quel bilan tirer des choix techniques et paysagers réalisés alors ?

 

Il faut toujours viser plus haut, aller au-delà des règlements,  pour éviter d’être dépassés par les enjeux qui s’annoncent...

 

 

Entretien avec Gwenaël Desnos, directeur de IAO SENN

 

"IAO SENN est spécialiste de la biodiversité avec une expertise spécifique en matière de gestion des eaux pluviales et un positionnement particulier. Notre volonté est d’accompagner le plus tôt possible les porteurs de projet que sont les aménageurs, les opérateurs immobiliers, les concepteurs, les industriels… dans l’intégration de la question environnementale. Notre rôle est de les conseiller sur le long terme, en intégrant et en dépassant les volets réglementaires et techniques.
Pour nous, la question environnementale doit transpirer du début à la fin d’une opération d’aménagement, le début étant la programmation et le plan-guide. Intervenir après une étude d’impact, c’est toujours dommage. Nous avons alors l’impression de passer notre temps à corriger des choix qui ne vont pas assez loin.

 

Il y a douze ans, à Montgermont, une démarche ADDOU* a précédé la mise en place de la Zac des Petits Prés, qui a bénéficié ainsi d’une charte de développement durable. Notre mission a débuté en 2010. Nous repartions alors de données issues de l’étude d’impact qui démontraient que la zone humide était très appauvrie par l’activité agricole intensive. Sur les 1,8 hectares du site concerné, une seule espèce végétale caractéristique des zones humides était présente et aucune trace de faune spécifique n’avait été observée. Nous avons donc proposé une valorisation écologique et paysagère de cet espace en proposant de le replanter et d’y engager une gestion différenciée et extensive. Nous avons également relié cette zone au système de gestion des eaux pluviales du quartier de façon à maintenir l’alimentation hydraulique de la zone humide. La topographie du quartier (en pente descendante vers la zone humide) était propice et les sols du reste de la Zac ne présentaient pas les qualités nécessaires à l’aménagement de voiries drainantes.

 

À l’époque, recréer une zone humide au sud d’un nouveau quartier était un choix radical. Les élus de Montgermont et Louis-Marie Belliard, responsable d’opérations pour Territoires, ont tenu bon malgré les critiques. Grâce à ce soutien, nous avons pu engager les travaux d’aménagement en lien avec le paysage et la zone humide avant l’arrivée des habitants. Les nouveaux arrivants ont pu intégrer cette gestion alternative des eaux pluviales dès l’origine. Nous avons relié les ouvrages techniques et les aménagements paysagers comme une seule entité. Nous continuons d’expliquer que ces aménagements les protègent des crues et que ce type d’urbanisation vient en soutien à la biodiversité. Il y a un travail important à mener auprès du grand public sur la gestion alternative des eaux pluviales en ville. Mais désormais, la plupart des élus sont convaincus ; le nouveau PLUi de Rennes Métropole en est le reflet

 

En 2019, nous avons engagé une étude pour constater les bénéfices de ces aménagements. Nous espérions mieux, c’est vrai. La fonctionnalité hydraulique de la zone humide semble être assurée mais le recouvrement de la végétation n’est pas encore caractéristique d’un tel espace. La LPO, partenaire du projet, a elle observé plusieurs espèces d’oiseaux nicheurs au sein de la zone humide ou dans les haies qui la bordent. Des crapauds communs, tritons palmés et plusieurs espèces de papillons de jour, de libellules, de coléoptères et d’orthoptères ont également été inventoriés. Il y a tout de même un gain net de biodiversité. Mais il n’y a pas encore de cortège floristique caractéristique des prairies humides.

Nous allons continuer notre mission auprès de Territoires afin d’aller plus loin encore. Nous allons notamment travaillé avec le Syndicat mixte du Bassin versant de l’Ille et de l’Illet afin d’intégrer ce travail sur la zone humide à un projet de renaturation tout au long du ruisseau de Coupigné, qui borde le quartier au sud. D’autres travaux pourront être engagés à l’issue de ce travail.

 

Ce que démontre ce projet, à l’instar de ce que nous avons fait sur l’écoquartier de la Courrouze, sur la Zac des Touches à Laillé ou ailleurs, c’est qu’il faut toujours viser plus haut, aller au-delà des règlements,  pour éviter d’être dépassés par les enjeux qui s’annoncent mais qui ne sont pas encore ancrés dans le marbre. Sur l’opération d’aménagement de Maurepas Gros Chêne, nous sommes également au sein du groupement de maîtrise d’œuvre aux côtés de l’Atelier Ruelle : nous retravaillerons sur les espaces publics pour les « des-imperméabiliser » au maximum et ramener du végétal. Les aménagements pour une gestion intégrée des eaux pluviales ne présentent pas forcément des coûts supplémentaires. C’est une autre façon de penser qui nécessité de convaincre les concepteurs et les gestionnaires.

 

Et si surcoûts il y a, ils seront largement compensés par les bénéfices écologiques à long terme mais aussi par la maîtrise des investissements futurs que la collectivité n’aura pas à faire."

 

 

* ADDOU : Approche Développement Durable des Opérations d’Urbanisme, s’appuyant sur le modèle de l’Approche environnementale de l’urbanisme (AEU) et initiée en 2002 par l’Agence d’urbanisme et de développement intercommunale du Pays de Rennes.