
Rencontre avec Claire Schorter architecte-urbaniste, lauréate du Grand prix de l’urbanisme 2024*.
Fondatrice de l'agence LAQ à Nantes et Paris, Claire Schorter a reçu le Grand Prix de l'urbanisme 2024 pour son ambition d'écologiser la fabrique de la ville. Son agence intervient depuis 2013 sur de nombreux grands projets métropolitains. À Rennes, elle travaille avec les équipes de Territoires sur le projet des Côteaux de l’Ille, zone artisanale située au nord-ouest de la métropole rennaise, entre Rennes et Saint-Grégoire.

Quelle est votre vision du métier d’urbaniste ?
Le métier d’urbaniste est engageant sur la manière de faire et réparer la ville. En créant mon agence, j’ai eu envie de m’atteler concrètement à accompagner le virage dans les façons de faire et repriser la ville, plus écologique, plus douce, et à hauteur d’habitants. De réparer, plutôt que d’étendre, les villes métropolitaines malmenées par cinquante ans de conception par et pour la voiture, afin de les rentre plus désirables. En bref, se placer, par l’action et le projet, dans l’intérêt général qu’impose notre métier.
Comment voyez-vous la ville de demain ?
La ville durable n’est pas une option, mais une nécessité, et dorénavant une urgence. À Rennes, Lille, Nantes, Meudon..., nous avons la chance d’oeuvrer aux côtés de collectivités et d’aménageurs convaincus par des manières plus douces et écologiques de faire et réparer la ville, stimulés par un portage politique engagé. Avec mes collaborateurs nous proposons des expérimentations reproductibles afin d’écologiser la fabrique de la ville, des réalisations qui montrent qu’il est possible de proposer des projets plus sobres, plus résilients face au changement climatique, mais aussi plus agréables à vivre.
Pourquoi s’attaquer à ce secteur des Côteaux de l’Ille ?
La « ZA Nord - Côteaux de l’Ille » s’est développée dans les années 60 et 70 avec les enjeux de l’époque. Si c’est un site économique majeur, il est obsolète sur le plan urbain : pollution, bruit, îlots de chaleur, pensé pour la voiture, très artificialisé…
C’est ce que les médias ont appelé « La France moche ». Face à cette accumulation de boîtes de tous types et de parkings aériens, il faut, comme j’aime le dire, « ranger la chambre » : regrouper les commerces, ajouter des espaces verts, rendre l’accessibilité aux cyclistes et aux piétons. Ce site constitue un potentiel réservoir de logements, ou plutôt de ville, mais il faut le rendre habitable et travailler en premier lieu sur l’armature paysagère car aujourd’hui tout le sol est imperméabilisé.
Quelle est la particularité des Côteaux de l’Ille ?
C’est un quartier plein de ressources. Nous avons eu de belles surprises notamment en découvrant la présence d’un écosystème
de l’économie productive, circulaire et solidaire. Nous avons souhaité les pérenniser et même leur faciliter la vie car elles sont une composante à part entière du projet et une nécessité pour la ville. Il faut apprendre à aimer ces quartiers pour les transformer. Faire table rase serait plus simple mais les activités industrielles et artisanales sont très importantes pour la ville, en intra rocade.
Quelle méthode de travail avez-vous privilégiée ?
Nous travaillons à partir d’un plan guide qui pose une vision à long terme, partagée par les élus de Saint-Grégoire et de Rennes, et très lisible pour les habitants. Il nous oriente pour les 20-30 prochaines années. Et nous nous sommes dotés d’une feuille de route Développement Durable avec des objectifs concrets et des jalons temporels, qui nous permettra d’évaluer l’évolution du site sur le long terme. Nous avons également commencé des ateliers de concertation avec les commerçants qui sont très à l’écoute du devenir du quartier. Mais il nous faut faire preuve de souplesse : nous sommes ici dans un urbanisme négocié et non planificateur. Ces espaces ont été construits en 25 ans et on mettra plus du double à les réparer. On fait les choses pas à pas.

Les Côteaux de l'Ille en chiffres
Pôle commercial
de la métropole
hectares
situés sur deux communes, Rennes et Saint-Grégoire
salariés
entreprises
et quelques programmes résidentiels
* Créé en 1989, le Grand Prix de l’urbanisme distingue chaque année une personnalité reconnue par un jury international. Il valorise
l’action des professionnels qui contribuent à faire avancer la discipline et à améliorer le cadre de vie des habitants de tous les territoires.