Peut-on être en chantier et accueillir en toute sérénité ? Un lieu public peut-il ressusciter avant d’avoir reconquis des « fonctions officielles » et de s’être « mis aux normes » ? Au cœur de Rennes, Pasteur continue de nous mettre le doute, à dessein !
Pasteur a officiellement débuté sa métamorphose vendredi 16 février 2018, avec une conférence de presse, un week-end de Portes ouvertes, des performances artistiques, un hackaton et une « braderie du réemploi ». On pourrait croire qu’ici l’expérimentation et le tâtonnement vont laisser place à la routine du chantier. Mais à Pasteur, sous la houlette de l’équipe dédiée, de son réseau de partenaires et des architectes de l’agence Encore Heureux, il se passe encore quelque-chose d’inhabituel... Quelque-chose qui fera le voyage jusqu’à Venise en mai prochain, pour la 16e Biennale d’Architecture. Encore Heureux y porte le commissariat avec le projet bien nommé des « Lieux Infinis »...
« FAIRE AVEC »
A la rentrée scolaire 2019, l’Hôtel à Projets côtoiera une école maternelle (1 600 m² répartis sur le rez-de-chaussée et l’entresol) et un EducLab (un espace dédié au numérique éducatif, sur 300 m²). Les deux cours intérieures retrouveront leur physionomie originelle et accueilleront des cours de récréation végétalisées. L’Hôtel à Projets continuera ses pérégrinations sur 2 150 m², répartis sur les étages supérieurs. Soit 10 M€ de travaux pour une nouvelle vie prometteuse, à la croisée des usages...
Après 5 ans de foisonnement* qui ont permis de « mettre le bâtiment à l’épreuve par l’usage » s’ouvrent donc 18 mois de travaux pour Pasteur, « un lieu qui comprend en lui le sujet du réemploi », indiquait Sophie Ricard, architecte coordinatrice de l’Hôtel Pasteur pour Territoires. De Martenot (architecte du bâtiment livré en 1896) à Encore Heureux, Pasteur en a vu de toutes les couleurs : faculté des sciences jusqu’en 1970, faculté dentaire jusqu’en 2006, centre de soins dentaire jusqu’à aujourd’hui et Hôtel à Projets depuis 2015.
Participation et réemploi, tels sont les maîtres-mots du chantier Pasteur. « Nous avons réussi à dénormer », se félicite Sophie Ricard. Tout en répondant aux règles des ERP, l’équipe de Territoires et sa maîtrise d’œuvre ont trouvé la recette pour concilier sécurité, confort et valorisation de l’existant : « toutes les paillasses seront conservées. Le Centre dentaire et l’hôtel Pasteur ont monté un partenariat pour la reprise 50 % du mobilier du centre dentaire, dont 25 % pour la braderie et 25 % pour meubler l’Hôtel à Projets ».
Mais surtout, cette seconde phase de chantier (après la mise hors d’eau et hors d’air du bâtiment engagée fin 2017) s’appuie sur un principe de « réhabilitation différenciée » selon les trois activités futures du bâtiment. Il a été convenu de mettre seulement hors-gel les deux ailes du bâtiment où on ne reste pas. Ces espaces seront chauffés à 13 degrés maximum et serviront d’espaces tampons pour les autres espaces chauffés (l’école en particulier). Une solution qui permet de retrouver les grands planchers, de conserver les murs d’origine, les volumes et l’âme du bâtiment.
CHANTIER OUVERT, CHANTIER ÉCOLE
S’il est des travaux votés à l’unanimité à Rennes, ce sont ceux de Pasteur. « Il y a énormément de demandes pour être à Pasteur. C’est un endroit où on a envie d’aller créer, fabriquer, croiser... », explique Sylvie Robert, adjointe à la maire de Rennes déléguée à la communication. A l’image de ce lieu « identifié et estimé », « il fallait une démarche de maîtrise d’œuvre particulière ». Comme il y a eu des permanences d’architecture, il y aura donc des « permanences de chantier ». La cité de chantier sera quant à elle intégrée au bâtiment plutôt qu’exilée sur ses pourtours. Pour Sophie Ricard, les Compagnons Bâtisseurs sont considérés comme « de nouveaux hôtes » et s’installeront à côté des bureaux de la maîtrise d’œuvre et d’usage.
Suite logique du bouillonnement à l’œuvre, Pasteur se mue aujourd’hui en « chantier école ». Un chantier d’insertion professionnelle et deux Actions Territoriales d’Expérimentation (ATE) permettront d’aménager l’EducLab et l’Hôtel à Projets. Un second ATE, porté par les Compagnons Bâtisseurs et de nombreux partenaires locaux, aura pour rôle la remobilisation de publics en situation de précarité, sur la thématique du réemploi.
Côté école maternelle, la végétalisation et l’aménagement paysager des cours sont confiés à des étudiants en BTS Aménagement paysager et horticulture du lycée de Bréquigny, associés à l’atelier MaDe (jeune agence de paysagistes et architectes), tandis qu’un jeune designer apportera son concours à la conception de la cuisine collective.
Des étudiants des sections Art, Design et Communication de l’Ecole Européenne Supérieure d’Art de Bretagne prendront part à l’aménagement de l’Hôtel à Projets (future gamme colorimétrique, luminaires, charte graphique dédiée à la signalétique...).
Et bien sûr, « nous rouvrirons le chantier aux Rennais lors de grandes étapes », explique Sophie Ricard. Des temps d’animation sont programmés pour redécouvrir les lieux dans un esprit ludique ou artistique, en partenariat avec les Tombées de la nuit.
* Depuis le lancement de l’Université foraine en 2013 puis l’installation de l’Hôtel à Projets en 2015